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Une main tient un arrosoir et verse de l'eau sur un buisson de cèdre planté dans un grand pot.
Là-haut, au troisième étage, les tiges de sauge se laissent bercer par le doux vent d’été, en contraste avec la rigidité du mur de béton qui se dresse devant elles. Et si se libérer des structures coloniales autrefois imposées commençait par un simple geste : planter une graine?

Longeant la terrasse du pavillon Fauteux, le Jardin des médecines sacrées est un espace fraîchement enraciné. Inauguré en 2019, il est né d’un désir profond de décoloniser l’espace universitaire et d’instaurer un lieu de réconciliation concret, au cÅ“ur même de la Faculté de droit. Il témoigne de la continuité des connaissances, pratiques et traditions autochtones qui précèdent de loin les murs qui l’entourent, des savoirs qui perdurent depuis l’aube de l’humanité. 

Chaque printemps, la communauté se rassemble afin de préparer le Jardin pour une nouvelle saison de culture. Ce n’est ni une cérémonie figée, ni un événement protocolaire, mais plutôt un moment d’apprentissage sensoriel où les mains expertes transmettent leur savoir à celles qui s’initient au jardinage.

Des mains plantent des graines dans de grands tonneaux remplis de terre.
Une femme se tient devant une longue jardinière remplie de foin d'odeur. Elle tient une plante dans ses mains.
La doyenne Kristen Boon aide à nettoyer le bac à foin d'odeur.

Créer et cultiver

Outils de jardinage dans une main, plats à partager dans l’autre, une dizaine de membres du corps professoral et du personnel se sont réunis dans le Jardin des médecines sacrées pour sa restauration annuelle.

Chaque graine plantée, chaque mauvaise herbe arrachée, a nourri à la fois la repousse des plantes médicinales sacrées et la transmission des savoirs et pratiques autochtones — deux cycles vivants, enracinés dans la réciprocité, appelés à perdurer.
Comme le rappelle Tasha Simons, spécialiste principale, Programmes autochtones : « Tout est une relation. » Ce que nous offrons à la terre nous revient autrement : en guérison, en mémoire, en lien.

Le moment s’est conclu par un repas empreint de rires et de conversations. Plus qu’une simple remise en état d’un espace vert, cette activité a ravivé des liens, semé des relations et cultivé un véritable sentiment de communauté.

Deux femmes se tiennent debout à l'extérieur, devant une paroi vitrée décorée de dessins représentant des plantes, des fleurs et des insectes. L'une d'elles tient un arrosoir et porte des lunettes de soleil. L'autre tient un sac rempli de sachets de graines.
Tasha Simon et la professeure Angela Cameron, du Comité de réconciliation et de décolonisation.

Les quatre plantes médicinales sacrées du Jardin ne se contentent pas de pousser; elles enseignent. 

Le tabac enseigne en premier

C’est toujours lui qu’on offre d’abord, par respect. Il nous rappelle que toute relation, qu’elle soit physique ou spirituelle, commence par une intention claire. Le tabac n’est pas consommé, il est offert en signe de reconnaissance et de volonté d’honorer la relation. Jadis utilisé dans les cérémonies, les soins médicaux ou pour sceller des alliances, il incarnait l’écoute, la gratitude, le lien. Dans un monde où l’on oublie souvent de s’arrêter, il nous invite à ralentir et à réfléchir avant toute parole ou action.

La sauge enseigne par la clarté

Quand elle brûle, sa fumée ascendante enveloppe doucement l’espace, dissipant les pensées lourdes, les tensions accumulées, les jugements inutiles. Elle ne fait pas que purifier l’air : elle purifie l’esprit. Au-delà de ses propriétés apaisantes, sa fumée est perçue comme un canal qui élève les prières vers le ciel et attire les énergies bienveillantes. La sauge nous rappelle que pour penser avec rigueur, il faut d’abord désencombrer l’esprit. 

Le foin d’odeur enseigne par la douceur

Tressé en trois brins représentant pour certaines personnes le corps, l’esprit et l’âme, et pour d’autres, l’amour, la bonté et l’honnêteté, le foin d’odeur est synonyme d’harmonie. Son parfum sucré attire les bonnes intentions et les bonnes présences, et évoque conséquemment la mémoire des gestes tendres et des relations bienveillantes. Il enseigne des notions peu abordées en salle de classe : la bonté est une force tranquille, et lorsqu’elle guide nos actions, elle a un effet profondément transformateur.

Le cèdre enseigne par la protection

Enfin, le cèdre possède des vertus purificatrices et peut servir à de nombreuses fins réparatrices, notamment pour les bains de cèdre, qui peuvent favoriser la guérison ou la protection. Une fois brûlé ou infusé, le cèdre nous entoure et nous renforce. Par sa présence discrète mais puissante, il nous enseigne que la protection est un acte de soin, à l’image d’un droit qui, lorsqu’il se fait juste, enveloppe plutôt qu’il ne contraint.

la sauge, le foin d'odeur et le cèdre poussant dans des pots. Une main tient des graines de tabac.
De la sauge, du foin d'odeur et du cèdre poussent dans le jardin des médicines sacrées. Une main tient un sachet de graines de tabac et de la terre fraîche est ajoutée à un pot.

Au fil des saisons, le Jardin rappelle que la guérison passe aussi par la patience, la relation et l’attention portée à ce qui pousse lentement.

Ensemble, les quatre plantes sacrées reflètent la vocation profonde du droit : non pas ériger des murs, mais tisser un système ancré dans le respect, qui répare, relie et protège.