L’ARN non codant joue un rôle essentiel dans la régulation des fonctions cellulaires. Sans lui, l’activité des gènes ne serait pas correctement régulée et des processus de base comme la division cellulaire, les réponses au stress, le développement embryonnaire et la régulation immunitaire seraient perturbés. Cependant, lorsqu’il est déréglé, l’ARN non codant peut causer des problèmes; il peut notamment entraver l’expression normale des gènes et contribuer à l’apparition du cancer et d’infections virales en interférant avec le fonctionnement naturel de l’organisme.
Sous la supervision du professeur John Pezacki, Noreen Ahmed, Nadine Ahmed et Didier Bilodeau (des étudiantes et étudiants aux études supérieures) ont entrepris de créer une enzyme artificielle (P19-T111BpyAla) capable de couper de petites molécules bien précises d’ARN non codant, comme le petit ARN interférent et le micro ARN.
Les enzymes sont des protéines qui accélèrent les réactions biochimiques sans être consommées au cours du processus, un phénomène connu sous le nom de biocatalyse. Cette propriété leur permet de cibler et de cliver à plusieurs reprises des molécules nuisibles d’ARN non codant avec une efficacité remarquable.
« Nous introduisons dans la biologie une nouvelle forme de chimie en concevant des protéines qui remplissent des fonctions inexistantes dans la nature. Nous voulons faire en sorte que cette enzyme atteigne des tissus ou organes bien précis pour traiter les infections ou le cancer », explique le professeur Pezacki.
Dans son article, intitulé (une enzyme non naturelle exerçant une activité endonucléasique sur les petits ARN non codants), publié dans Nature Communications, l’équipe décrit comment elle a modifié une protéine virale (p19), qui lie normalement les petits ARN sans les couper, en y ajoutant des composantes chélatrices des ions métalliques et en y incorporant du cuivre.
En utilisant des techniques de fluorescence, l’équipe de recherche a confirmé que l’enzyme p19-T111BpyAla clive avec succès l’ARN. Selon les résultats obtenus, l’enzyme modifiée coupe les miARN dans les cellules humaines et réduit les niveaux de miR-122, une molécule nécessaire à la réplication du virus de l’hépatite C. L’enzyme présente donc un potentiel pour traiter l’hépatite C et d’autres maladies.
La recherche sur les enzymes artificielles a des applications qui vont au-delà des soins de santé. La biocatalyse pourrait être utile en pharmaceutique, ainsi que dans le secteur manufacturier et les processus industriels. L’équipe du professeur Pezacki, qui a récemment bénéficié d’un financement du Fonds Nouvelles frontières en recherche, étudie également la manière dont ces enzymes peuvent dégrader les plastiques, ce qui pourrait déboucher sur une solution pour réduire les déchets plastiques et la pollution.
Les recherches du professeur Pezacki pourraient, dans un avenir proche, révolutionner les approches thérapeutiques grâce à des méthodes innovantes d’ingénierie des protéines. L’équipe étudie une stratégie de type « cheval de Troie » dans laquelle des protéines généralement bénéfiques aux virus sont modifiées pour les rendre nuisibles, en y insérant un site catalytique qui dégrade les composants viraux. Le professeur Pezacki espère que ce filon catalytique permettra de créer de nouveaux traitements, offrant ainsi des solutions concrètes pour combattre les maladies et faire progresser la biotechnologie.
POUR EN SAVOIR PLUS :
- (anglais seulement)
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- Des scientifiques de l’Université d’Ottawa créent une enzyme ciblant les ARN non codants