Krista Power, professeure agrégée à l’École des sciences de la nutrition de la Faculté des sciences de la santé, a récemment reçu une subvention cofinancée par la Société Alzheimer du Canada et la Fondation Brain Canada pour réaliser une sous-étude dans le cadre d’un projet de recherche des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC). Ce projet d’envergure, mené dans quatre provinces canadiennes (Québec, Ontario, Manitoba et Saskatchewan), étudie comment la modification des habitudes de vie pourrait contribuer à prévenir le déclin cognitif et à retarder l’apparition de la démence.
Un projet ambitieux
La professeure Power explique que l’étude compte 140 personnes participantes, toutes des adultes de 65 à 80 ans présentant un déclin cognitif subjectif qui ont accepté de participer à l’une des quatre interventions de groupe entièrement en ligne. Chaque groupe a fait l’objet d’une intervention portant sur un élément précis : l’activité physique (exercices d’aérobie et de résistance); des conseils en nutrition fondés sur le Guide alimentaire pour un cerveau en santé; une combinaison d’alimentation et d’exercice; ou des étirements et des renseignements sur la santé cérébrale (groupe témoin). Pendant six mois, ces groupes se réunissent en ligne trois fois par semaine avec une ou un physiologiste de l’exercice clinique, ou une ou un diététiste. La première cohorte a commencé ses activités en octobre 2023.
Krista Power ajoute que les personnes participantes en sont encore aux tout premiers stades du déclin cognitif et que leur état n’est pas encore diagnostiqué ni officiellement reconnu. L’objectif est donc de les évaluer pour voir si leurs fonctions cognitives s’améliorent au cours de la période d’intervention de six mois, mais aussi de vérifier si ces interventions peuvent être réalisées en ligne, car « ce n’est pas tout le monde qui vit à proximité de grands centres où ces soins de santé sont accessibles ».

Selon la professeure Power, pour être durables, ces changements d’habitudes de vie doivent s’accompagner d’un soutien à long terme; c’est là l’un des problèmes de ce type d’intervention. « Les gens suivent les recommandations le temps de l’étude, mais reviennent ensuite à leur ancienne routine et à leurs anciennes habitudes alimentaires. » Par conséquent, l’équipe de recherche continuera de suivre les personnes participantes jusqu’à 12 mois après les interventions pour voir si les changements sont durables et si les habitudes ont été maintenues après l’interruption de l’accompagnement professionnel.
Cet ambitieux projet de recherche rassemble plusieurs gens et partenaires, notamment des chercheuses et chercheurs de l’Université de Waterloo (Laura Middleton, cochercheuse principale), du Rotman Research Institute de Baycrest (Nicole Anderson, cochercheuse) et de l’Université de Montréal. « Chaque personne joue un rôle différent au sein de l’équipe », explique Krista Power : certaines se concentrent sur le volet alimentaire, d’autres sur l’exercice physique. La professeure Power et son équipe étudiante (Sarah Grenville, études supérieures, et Jiaqian Xie et Sandra Markos, premier cycle) analysent les biomarqueurs présents dans des échantillons de selles et de sang recueillis à zéro, trois et six mois, afin de déterminer le rôle du microbiote intestinal dans la médiation des effets de l’exercice ou de l’alimentation sur les fonctions cognitives.
Qu’est-ce que le microbiote intestinal?
Krista Power cherche à évaluer comment le microbiote intestinal modifie les effets de l’alimentation et de l’exercice sur la cognition chez les personnes présentant un déclin cognitif subjectif.
« L’intestin contient des trillions de cellules microbiennes, explique-t-elle. Il existe différentes familles de bactéries, et certaines peuvent produire des métabolites nocifs ou potentiellement dangereux. » En d’autres mots, les interventions visent à « améliorer la quantité et la fonction des bonnes bactéries afin de réduire le nombre et l’efficacité des mauvaises bactéries ».
La professeure Power souligne que le microbiote intestinal joue un rôle important dans la santé mentale, car il communique avec le cerveau grâce aux différents métabolites qu’il produit. « Nous savons que l’alimentation elle-même modifie le microbiote, ajoute-t-elle. Donc, si vous consommez généralement des aliments hautement transformés, votre microbiote peut être différent de celui d’une personne qui mange des aliments sains. » Par exemple, une alimentation riche en fibres et en polyphénols favorise la croissance des bonnes bactéries et crée des métabolites bénéfiques pour l’organisme.